L’Alpe 37 | Citadelles d’altitude
Musée dauphinois
Le ministère français de la Culture vient de proposer à l'Unesco la protection au titre du patrimoine mondial (dit, non sans emphase, « de l'humanité » !) de quatorze forts créés ou réaménagés par Vauban, dont on célèbre en 2007 le tricentenaire de la mort. Dans la liste, figurent deux ensembles défensifs alpins parmi les mieux conservés : Briançon et Mont-Dauphin.
Avec un temps d'avance sur la France, les Italiens ont d'ores et déjà réinvesti à des fins culturelles et touristiques les forts de Fenestrelle, Exilles, Vinadio et, tout récemment et de façon spectaculaire, celui de Bard, en vallée d'Aoste. Le tout, sans faire appel au patrimoine de l'humanité.
Côté français, c'est en Savoie qu'ont été réalisées les reconversions les plus efficaces. Notamment à la barrière de l'Esseillon, où les ouvrages militaires portent les prénoms des membres de la famille royale du... Piémont. En, mais l'on attend encore la réhabilitation de fort Barraux où la marque de Vauban est pourtant prégnante.
Partout en Europe, à la faveur des programmes transfrontaliers, se découvre ainsi une fraternité culturelle qui prend pour support les signes les plus évidents des anciens affrontements. Entreprise d'autant plus nécessaire et urgente que les militaires quittent les sites fortifiés, aussitôt promus au rang de monuments historiques. Le fait que la plupart de ces installations n'aient jamais reçu ou tiré le moindre coup de canon importe peu. Les lieux de mémoire, surtout lorsqu'ils sont installés dans des paysages somptueux, n'ont pas besoin d'être le théâtre d'exploits militaires pour être reconnus et visités. Mais il faut croire que ces témoins de nos anciens conflits de territoires font encore rêver, en un temps où se construisent (d'ailleurs sensiblement au même coût que les forts) des porte-avions ou des boucliers antimissile.
Singulier destin que celui de ces forts alpins. Singuliers destins aussi que ceux auxquels s'attache ce numéro de L'Alpe : les hommes qui ont imaginé, construit, servi et parfois défendu au péril de leur vie ces citadelles d'altitude.
Sommaire :
- « Une vie de château » Tour à tour symbole militaire et demeure familiale, édifice utilitaire et objet de fantasme, le château fort a endossé tous les rôles au cours du Moyen Âge, offrant des structures variées, surtout en terrain de montagne. Panorama de l'évolution d'une construction plus malléable que les châteaux de sable… Par Guido Castelnuovo.
- « Citadelles étoilées » La Renaissance militaire accompagne celle des arts et des lettres. Face aux progrès de l'artillerie, les forteresses médiévales se révèlent obsolètes. Au XVIe siècle, les guerres d'Italie favorisent l'adoption d'un concept architectural révolutionnaire, repris et perfectionné par Vauban cent ans plus tard. En forme d'étoile, la fortification bastionnée italienne se répand en Europe. Notamment au sud des Alpes, comme en témoigne encore le Fort carré d'Antibes. Par Jean-Loup Fontana.
- "Par monts et par Vauban» Architecte et stratège d'exception, Sébastien Le Prestre, maréchal de Vauban, effectue deux tournées d'inspection des places fortes alpines en 1692 et 1700. Au-delà des préoccupations de l'ingénieur, Une facette méconnue d'un homme disparu il y a juste trois cents ans et qui a marqué de son empreinte plusieurs villes (dont Briançon et Mont-Dauphin), candidates à l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco en 2007. Par Robert Bornecque.
- « Soudard des champs, soldat des villes » Places fortes et cités du Dauphiné connaissent une véritable mutation au XVIIIe siècle. De simples bases arrière pour les opérations militaires en Italie, elles se transforment en villes de garnison après les modifications frontalières de 1713. À la satisfaction des habitants, longtemps contraints de subir les exigences et les violences des troupes en marche. Cantonnés à demeure, les soldats s'urbanisent. Acteurs de l'économie et de la vie sociale, ils vont marquer ces villes de leur empreinte. Par René Favier.
- « Cuirassés de haute terre» Stratégiques, les régions frontalières des Alpes-Maritimes sont hérissées de fortifications. Mise en place à la fin du XIXe siècle, la ligne défensive face à l'Italie se voit renforcée par de grands ouvrages Maginot dans les années 1930. La présence massive de l'armée transforme durablement le haut pays niçois et la vie de ses habitants, en développant l'économie locale et les voies de communication. Par Pascal Diana.
- « Postes d'hiver» Aventure humaine autant qu'épreuve physique, l'occupation de forts d'altitude en plein cœur de l'hiver est une expérience peu commune. De cette solitude romanesque par essence, sont nés de nombreux récits et témoignages, offrant aux ciels blanchis et tourmentés de belles pages noircies et enivrées. Par René Siestrunck.
- « En leur for(t) intérieur» Un nid d'aigle, c'est le lieu qu'ont choisi d'habiter Jean Roux puis Renaud Bellucci et Marie-José Cuinier en s'installant à la batterie de Cuguret, en Ubaye. Fort ne rimant pas avec confort, ils y ont cherché et trouvé d'autres joies, sans jamais ménager leurs… efforts. Par Xavier Fribourg.
- « Sous le chalet, le béton... » Méfiez-vous des apparences ! En Suisse, tout chalet, tout rocher peut dissimuler un bunker car ici les militaires sont passés maîtres dans l'art du camouflage. Un impressionnant réseau d'ouvrages ceinture le pays, fondu dans le paysage ou trouant la montagne. Des trompe-l'œil à découvrir au hasard des cols et des chemins. À l'instar du photographe Leo Fabrizio, qui les a traqués puis réunis dans un ouvrage étonnant, Bunkers (éditions Infolio, 2004). Par Maurice Lovisa.
- « La nouvelle vie des remparts » La valorisation des citadelles d'altitude est à l'ordre du jour. Promus patrimoine artistique et touristique, les édifices militaires d'hier focalisent l'attention des associations, des institutions et du public. L'Italie et la France œuvrent depuis quelques années à transformer ces ouvrages en lieux d'accueil et de culture. Selon des politiques toutefois différentes. Par Muriel Faure.
- « Porfolio Salut les Helvètes ! » L'image d'une Suisse éternellement assoupie a vécu. Par ses photographies, Andri Pol décape sa terre natale. S'appuyant sur une génération affranchie, il nous offre une vision débridée et actuelle d'une société en pleine mutation. Quant à Heidi, parmi les quinze films qui lui sont consacrés, le dernier en date est pornographique... Par Daniel Léon. Et encore…
- « Du paysage à l'assiette» Une carte du goût se dessine dans nos mets, évoquant l'image de leur territoire d'origine. Inscrits dans le paysage, de nombreux produits s'imprègnent de ses qualités, garanties par les appellations d'origine et la protection des terroirs qui en découle. Une géographie des saveurs qui invite à des voyages gustatifs et curieux à la découverte du génie des lieux. Par Gilles Fumey.