L'Alpe 53 | Dans l'intimité des monastères
Musée dauphinois
La fonction de refuge que le massif alpin a été conduit à jouer, sur la longue durée, pour tous ceux qui fuyaient les tourments du monde, pourchassés pour de bonnes ou mauvaises raisons, a déjà été évoquée dans L'Alpe (voir numéro 14). Fuir, trouver un repaire, une paix plus ou moins précaire, a toujours semblé plus facile en montagne. Parmi ces réfugiés, nombreux sont ceux qui fuyaient la répression religieuse, qu'il s'agisse des vaudois ou des protestants et autres "hérétiques".
Mais la religion a aussi conduit en montagne des hommes qui n'avaient besoin d'aucun refuge, sinon spirituel. A défaut de désert de sable, dès le haut Moyen-Age, des ermites ont imaginé trouver dans les Alpes une nature vierge et éloignée de la société corrompue. Saint-Bruno, fondant l'ordre des chartreux en 1084, en est le représentant emblématique.
A ces ermites, qu'ils vivent en communauté ou en solitarires, revient l'expérience mystique. Mais d'autres installations religieuses, bien plus nombreuses, sont mandatées par les pouvoirs, ecclésiastiques ou temporels, pour "coloniser" de nouveaux territoires. Cette période de "grands défrichements" conduits par des moines de toutes obédiences, est sensible à partir de l'an mil. Les historiens ont longtemps promu l'image de ces aménageurs ouvrant à la culture et à l'élevage, avec l'appui de laïcs réduits au servage, des terroirs encore fermés. Aujourd'hui, la représentation est plus nuancée et il apparait que bien des alpages étaient déjà occupés et mis en valeur par des communautés paysannes avant que n'arrivent les moines. On reconnaît cependant que ces derniers vont rationaliser les pratiques agropastorales et mettre en place des systèmes d'exploitation qui, pour la plupart, resteront en vigueur jusqu'à la révolution agricole de la fin du XVIIIème siècle.
A la vague de création de monastères du Moyen Age ne succèdera aucune autre de telle ampleur. La Contre-Réforme pourvoira certes le massif en maisons religieuses (le plus souvent des femmes) qui ont vécu dans ces lieux, derrière la clôture, n'ont connu du monde que les montagnes qui dépassaient les murs d'un cloître.