Le climatisme en Isère

La tuberculose, les sanatorium, le climatisme

Pour soigner la tuberculose, dont la bactérie est découverte en 1882 par le scientifique allemand Koch, la médecine occidentale adopte les cures d’air pur, de repos, de suralimentation ainsi que l’isolement pour éviter la contagion. Ces soins sont dispensés dans des sanatoriums, établissements de type hospitalier adjoints de « galeries de cure ». Ces édifices, construits dès le milieu du XIXe siècle en Allemagne et Suisse, sont établis à partir des années 1870 en France. On estime à 250 le nombre de sanatoriums construits de 1900 à 1950 en France dans des régions isolées de la pollution, sur des plateaux ensoleillés ou face à la mer bénéficiant de conditions climatiques et d’ensoleillement particulières.

Avant la Seconde Guerre mondiale, les édifices dits de « climatisme » comprennent les sanatoriums, préventoriums, maisons ou homes d’enfants, qui accueillent et proposent des services différents, tel que le soin, l’enseignement ou la gymnastique. Après la Seconde Guerre mondiale, une nette distinction est adoptée entre les établissements à caractère médical et les édifices climatiques, qui regroupent plus particulièrement les maisons d’enfants et les colonies de vacances.

Les Gentianes, ancienne maison d'enfants, Villard-de-Lans
L'ancienne maison d'enfants Les Gentianes à Villard-de-Lans © Service du patrimoine culturel - Département de l'Isère

 

En Isère…

Ainsi, en Isère, dès 1900, le médecin grenoblois Fernand Berlioz et l’industriel Félix Jourdan tentent de créer un sanatorium d’altitude à Saint-Hilaire-du-Touvet. C’est un quart de siècle plus tard que des établissements y sont ouverts ; le premier par l’association métallurgique minière (1924) et le second par le Département du Rhône (1933).

Le plateau du Vercors et le climatisme

A Villard-de-Lans, site touristique et chef-lieu d’une région dite « pittoresque » (les gorges de la Bourne et leurs routes vertigineuses ne sont pas loin), le sanatorium de la Tremblaye est construit en 1922 au hameau des Pierres. La crainte de la contagion aboutit à sa fermeture quelques années plus tard et la commune se transforme alors en station d’altitude spécialisée pour le séjour des enfants convalescents. Pour ce faire, l’ancien sanatorium est transformé en hôtel et prend le nom L’Adret (pour évoquer le versant exposé au soleil), et des maisons et homes sont créés pour l’accueil des enfants. En 1930, Villard est consacrée station climatique.

Les Sanatorium du Plateau des Petites Roches, Martinotto frères photographes © Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère
Les Sanatorium du Plateau des Petites Roches, Martinotto frères photographes © Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère
Sanatorium de l’Association Métallurgique Minière, Gep photographe, 1933-40 © Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère
Sanatorium de l’Association Métallurgique Minière, Gep photographe, 1933-40 © Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère

Les maisons d’enfants à Villard-de-Lans

La résidence L'Adret, juillet 2020.
La résidence L'Adret, juillet 2020 © Service du patrimoine culturel - Département de l'Isère.

Le Clocher, 53 rue Albert Soboul, Villard-de-Lans

Parmi les plus connus, le home appelé « le Clocher », est conçu entre 1932 et 1934 par l’architecte Pouradier-Duteil, assisté de Marguerite Huré pour les vitraux. Rappelons que ce même « binôme » d’artistes réalise le Petit Séminaire de Voreppe (label architecture contemporaine) au même moment.

L’édifice, orienté N-S pour bénéficier du soleil l’après-midi, adopte un plan longitudinal. Il est adjoint au sud et à l’ouest de deux « appendices » semi-circulaires qui accueillent la chapelle et la salle à manger. Les grandes façades-pignons triangulaires ne sont pas sans évoquer les typologies du chalet et de la maison à redent, forme typique du Vercors.

La maison d’enfants Le Clocher, peu de temps après son achèvement, André Hourlier photographe (c) Coll. Musée dauphinois - Département de l'Isère
La maison d’enfants Le Clocher, peu de temps après son achèvement, André Hourlier photographe © Coll. Musée dauphinois - Département de l'Isère

 

Esquisse de la façade nord, Pouradier-Duteil architecte, 1932 (AD Isère 86 J 10) © Archives Départementales de l'Isère
Esquisse de la façade nord, Pouradier-Duteil architecte, 1932 (AD Isère 86 J 10) © Archives Départementales de l'Isère
Dessin de la façade sud, Pouradier-Duteil architecte, 1932 (AD Isère 86 J 10). © Archives Départementales de l'Isère
Dessin de la façade sud, Pouradier-Duteil architecte, 1932 (AD Isère 86 J 10). © Archives Départementales de l'Isère
L’ancienne maison d’enfants, façade nord-est, juillet 2020 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
L’ancienne maison d’enfants, façade nord-est, juillet 2020 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
L’ancienne maison d’enfants, façade sud, juillet 2020 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
L’ancienne maison d’enfants, façade sud, juillet 2020 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère

L’espace intérieur est organisé autour du hall central qui distribue les trois étages qui accueillent les dortoirs. Au rez-de-chaussée sont disposés les pièces communes telles que  le salon, la salle de jeux, salle à manger, ainsi que le cabinet médical et la chapelle. 

L'article paru en février 1937 dans la revue La Construction Moderne est illustré de trois images montrant les dispositions intérieures initiales.

La maison d’enfants Le Clocher, le plan du rez-de-chaussée, Pouradier-Duteil architecte (ADI 86 J 12).
La maison d’enfants Le Clocher, le plan du rez-de-chaussée, Pouradier-Duteil architecte (ADI 86 J 12) © Archives Départementales de l'Isère.

Les vitraux de la chapelle conçus par Marguerite Huré ont été déposés dans les années 2000. Une partie des verrières, conservée par la commune, a fait l’objet d’une restauration par l‘atelier Berthier-Bessac avant son installation dans l’église paroissiale Saint-Bonet en 2019. Le magnifique chemin de croix de la chapelle, conçu en 1934-35 par le peintre Jean-Georges Cornelius, élève de Gustave Moreau, a rejoint les collections du musée d’art sacré de Pont Saint-Esprit.

Jean-Georges Cornélius, Jésus tombe sous le poids de sa croix, 1934-1935. Huile et crayon sur carton Pont-Saint-Esprit, Musée d'art sacré du Gard © Conservation départementale du Gard / Maryan Daspet
Jean-Georges Cornélius, une des stations du chemin de croix ; Jésus tombe sous le poids de sa croix, 1934-1935, huile et crayon sur carton, Pont-Saint-Esprit, Musée d'art sacré du Gard © Conservation départementale du Gard / Maryan Daspet

 

La maison est entourée d’environ 200 arbres, préconisés et choisis pour leurs vertus médicales et ornementales ; l’architecte indique les essences choisies : 50 érables, 30 sapins, 10 frênes, 30 peupliers, 30 pins, 10 bouleaux, 10 mélèzes, 10 sorbiers et 10 hêtres !

Aujourd’hui encore on peut voir quelques édifices témoignant de cette histoire dans le pays des Quatre Montagnes ; à Villard-de-Lans, Autrans et Lans-en-Vercors.

La Soleillette, situé non loin de la villa La Source et Les Gentianes est salué en 1935 comme la réalisation parfaite de la maison médicale dite home d’enfants. Elle se fait connaître sous le nom des Lutins avant d’être rebaptisé La Soleillette pendant la seconde Guerre mondiale. Adjointe dans les années 1950 d’une infirmerie, elle devient maison d’enfant à caractère sanitaire. Elle recevra de façon permanente 24 enfants  avant d’être transformée en centre de vacances puis en maison. Cet édifice est labellisé « Patrimoine en Isère ».

Dans cette même démarche de climatisme, la commune de Villard-de-Lans s’équipe d’un lycée climatique en 1964, qui a laissé place à la Cité scolaire Jean Prévost.

Le préventorium départemental à Autrans

En 1933, Le Département de l’Isère décide, en accord avec le Comité départemental de lutte contre la tuberculose, de créer un préventorium. Pour nourrir l’idée Léon Perrier, président de l’assemblée départementale, visite quelques édifices de ce type dans le Doubs (Palente Rougemont), dans le Haut-Rhin (Riespach, Marbach) et dans la Meurthe-et-Moselle (Flavigny-sur Moselle).  Après avoir envisagé de l’installer dans un édifice existant (fort de Barraux, ferme du Thau à Mens, La Brunerie à Voiron, château d’Avignonet…), la construction d’un nouvel édifice (de 200 lits), adjoint d’une colonie de vacances (de 400 lits) est acté. La situation climatique bénéfique, la proximité de Villard-de-Lans et l’acquisition du terrain de 7 ha proposé par la municipalité d’Autrans en 1935 permettent la réalisation du projet, qui est mis au concours en 1936. La proposition de l’architecte parisien et second prix de Rome Pierre Myassard est choisie parmi les 43 présentées. La colonie ouvre en 1936 et le préventorium en 1942, après trois ans de travaux de construction.

Cet édifice est aujourd’hui transformé en centre de vacances.

La sanatorium et la colonie de vacances à Autrans.
La sanatorium et la colonie de vacances à Autrans © Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère
Le préventorium d'Autrans, photographie sans date.
Le préventorium d'Autrans, photographie sans date.

 

L'aile orientale © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
L'aile orientale © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Une des ailes du préventorium, construite en 1939 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Une des ailes du préventorium, construite en 1939 © Service du Patrimoine culturel - Département de l'Isère

Pour aller plus loin

Bibliographie :

- Philippe Grandvoinnet. Histoire des sanatoriums en France (1915 - 1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique. Université de Versailles, 2010, 2 tomes.

- Marion Vivier. Maisons d'enfants du Vercors. Patrimoine et mémoire du climatisme au pays des Quatre Montagnes. Collection Patrimoine en Isère

Sources :

- Archives Départementales de l'Isère : Fonds Pouradier-Duteil (86J), Le Préventorium d'Autrans (4N 5/17)

- Musée dauphinois

- La maison du Patrimoine à Villard-de-Lans

En écoute  :

- Ecoutez le premier épisode du Podcast du Département Belvédère

A découvrir un peu plus loin :

- Visitez La maison du Patrimoine à Villard-de-Lans

et le musée d'art sacré de la Conservation départementale des musées du Gard

- Lisez l'article de la revue Narthex sur La Passion du Christ et chemin de croix de Jean-Georges Cornélius

- Découvrez la description du Clocher dans l'article paru dans La Construction Moderne n°16, février 1937 (consultable en ligne sur le site de la Bibliothèque de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine)