La chapelle de l'ancien Petit Séminaire à Voreppe

L’art sacré en France  se transforme et se renouvelle après la Première Guerre mondiale. L’évolution de la liturgie a des répercussions sur l’aménagement intérieur des églises, avec une recherche de dépouillement et de simplicité. La collaboration entre architectes, peintres et verriers, abolit les barrières entre les arts et l’édifice est désormais considéré comme une œuvre complète. L’esthétique est entièrement repensée, dans un mouvement soutenu par la revue Art Sacré et les éditions du Zodiaque ; simplification des formes,  des couleurs, mais également  des matériaux.

Le Petit Séminaire de Voreppe depuis le jardin. © Damien Lachas
Le Petit Séminaire de Voreppe depuis le jardin. © Damien Lachas

A Voreppe, après la Première Guerre mondiale, l’évêque de Grenoble Monseigneur Caillot décide de la construction d’un nouvel établissement destiné à accueillir le Petit Séminaire. La situation géographique de la commune, proche des voies de communication desservant Voiron, Saint Marcellin et Grenoble, en fait un lieu idéal.

Les plans sont dessinés par l’architecte Pierre Pouradier-Duteil, qui réalise ici son premier projet. Il confie la construction aux entrepreneurs Dotto (pour les piliers en béton armé, assemblés sur place), Delachanal (pour les bâtiments latéraux) et Rivier (la chapelle) qui érigent l’édifice entre décembre 1931 et mai 1933.

On peut aisément imaginer que le jeune architecte connaissait les réalisations récentes,  modernes et innovantes de son confrère Auguste Perret. On pense en particulier à l'église Notre-Dame du Raincy, (1922-1923) et la tour qui porte son nom, érigée à Grenoble en 1925 à l’occasion de l’exposition internationale de la Houille blanche et du tourisme.

Le plan du Petit Séminaire est organisé autour d’une cour conçue comme un cloître disposé dans l’axe, adossé à la chapelle et articulé autour des ailes disposées de biais, évoquant ainsi la colombe, symbole de la paix ou « d’envol de la vocation ».

Cette disposition moderne  se traduit également dans le choix des matériaux de construction comme le béton armé ou le verre pour la chapelle. Celle-ci, adossée à l’aile sud du cloître, d’où émerge son clocher, forme un seul volume longitudinal se terminant par une abside. Les poteaux en béton armé soulignent les travées de claustra et accentuent la hauteur et l’élancement de l’édifice, couvert d’une voûte en berceau.

L’accès par l’aile sud se fait par un remarquable portail en fer forgé et par un grand vestibule ouvrant sur un escalier monumental.

L'ancien Petit Séminaire, vue aérienne montrant le symbolisme des ailes de la colombe © Patrimoine culturel CD38
L'ancien Petit Séminaire, vue aérienne montrant le symbolisme des ailes de la colombe © Patrimoine culturel CD38

Plusieurs artistes sont intervenus dans la réalisation des décors et du mobilier.

Le portail, fondu par le ferronnier William de Grenoble, est décoré de trois séries de panneaux en bronze réalisés par l'artiste Michel Pinéri et ayant pour thème l’Eucharistie.

Le trumeau de la porte de la chapelle accueille une statue de Sacré-Cœur en bois sculpté d'Henri Charlier. Ce dernier a également réalisé les scènes sculptées du maître-autel. C’est l’architecte qui dessine les esquisses du tabernacle, de la croix et les chandeliers et en confie la réalisation à l’orfèvre parisien Edmond  Lesage.

Le chœur légèrement surélevé et l’estrade sont marqués par deux grilles en fer forgé, œuvre du célèbre fondeur Raymond Subes, l'une servant de garde-corps à la terrasse, l'autre servant également de barrière de communion. Les porte-flambeaux en métal forgé sont probablement de la main du même artiste.

La chapelle est habillée d'un ensemble de verrières conçues entre 1931 et 1933 par le maître-verrier Marguerite Huré (1896 – 1967), considérée comme l'introductrice de l'abstraction dans le domaine du vitrail religieux. Elle étudie auprès du peintre-verrier Émile Ader, avant de fonder son propre atelier en 1920. Elle collabore avec de nombreux artistes, tels  Maurice Denis, George Desvallières, Marie-Alain Couturier, Valentine Reyre,  Jean Bazaine…et de nombreux architectes parmi lesquels Auguste Perret et Maurice Novarina. L’artiste a également conçu un type d’élément de verre pouvant s'insérer dans des claustra en béton et breveté comme la « brique Huré », qu'elle emploie à  Notre-Dame du Raincy.

A Voreppe elle crée un cycle de verrières non-figuratives en mosaïques de verre coloré, déclinant le thème de la « vie du prêtre », où chaque baie déploie une gamme de couleurs correspondant à des moments et des émotions précises de la vie d'un séminariste.

Les vitraux sont peints au vernis à froid sur verre blanc. Pour faire ressortir chaque élément vitré et l'isoler de son cadre, Marguerite Huré crée un filet de perles blanches périphérique qui filtre la lumière et qui contribue à l'unité de l'ensemble. Ces verres sont enchâssés sur des structures préfabriquées en béton armé conçues par Pierre Pouradier-Duteil.

Vitraux, chapelle de l'ancien Petit séminaire, Voreppe, Margueritte Huré © Patrimoine culturel CD38
Vitraux, chapelle de l'ancien Petit séminaire, Voreppe, Margueritte Huré © Patrimoine culturel CD38