Les chemins de croix à travers le temps

Dans le cadre de l’inventaire du patrimoine religieux du XXe siècle en Isère, de nombreux chemins de croix ont été recensés. C’est l’occasion de faire un point sur ce sujet.

Le Chemin de croix est un élément de mobilier récurrent dans les églises de culte catholique. Généralement placé sur les murs de la nef centrale, il se compose de 14 scènes appelées Stations qui racontent les dernières heures du Christ, traditionnellement commémorées au moment des cérémonies de Pâques. Cet épisode est appelé la Passion, au sens de patere, en latin : souffrir.

Elisabeth Meyer, 1949, Coll. Privée © David Richallet
Elisabeth Meyer, 1949, Coll. Privée © David Richallet

Cette pratique mémorielle existe depuis l’aube des temps chrétiens. Ces stations, œuvres peintes ou sculptées peuvent être situées en extérieur d’où le nom de « chemin » qui prend alors la forme d’un pèlerinage, reprenant les rites de procession ou de pénitence sur des parcours jalonnés d’arrêts (les stations). Ce parcours se termine sur un site consacré, monument, église ou chapelle.

En intérieur, si les diverses scènes ont pu être représentées isolément (notamment la Crucifixion, appelée aussi parfois Calvaire s’agissant d’un monument sculpté), à partir de la fin du XVIIIe siècle elles se présentent sous la forme de tableaux sculptés ou peints, fixés au mur.

Au XIXe siècle, autorisés par le Pape, ces chemins de croix sont reproduits industriellement : souvent modelés en plâtre ou sculptés, ou encore sous forme de peinture ou gravure. Encore très souvent présents dans les églises, ils sont peu à peu délaissés, parfois décrochés quand leur état de dégradation est très avancé faute de soins suffisants.

Au début du XXe siècle la Première Guerre mondiale est un facteur inspirant mais sans grand changement de l’iconographie : le sacrifice du soldat est vu comme un rappel de celui du Christ. La Pietà (représentation de la Vierge soutenant le corps de son fils) est associée alors à un autel dédié aux soldats morts.

La Seconde Guerre mondiale a suscité des œuvres fortes, suite aux évènements touchant les populations civiles, ainsi le chemin de croix de Valchevrière, érigé suite à la destruction par les Allemands de ce village du Vercors et au massacre de ses habitants et de son groupe de résistants.

Villard-de-Lans, site de Valchevrière, peinture de Jean Coquet, 1948 © Patrimoine culturel - CD38
Villard-de-Lans, site de Valchevrière, peinture de Jean Coquet, 1948 © Patrimoine culturel - CD38

Enfin, les bouleversements sociétaux des années 1960 en France et les évolutions souhaitées par les paroissiens et le clergé dans les pratiques et la liturgie - vers une dimension plus actuelle de l’expression religieuse - ont permis  la création d’œuvres plus personnelles où les artistes se sont essayés à renouveler le genre, par des techniques variées : peintures ou dessins sur divers supports, pierre, céramique…

Beaurepaire, chapelle de l’hôpital, Luc Barbier 1960 © Patrimoine culturel - CD38
Beaurepaire, chapelle de l’hôpital, Luc Barbier 1960 © Patrimoine culturel - CD38

En Isère on peut voir le reflet des grands courants nationaux (cubisme, expressionnisme…) à travers les créations d’artistes régionaux, comme Elisabeth Meyer, Luc Barbier, René-Maria Burlet, issus de mouvements intellectuels et artistiques comme Moly Sabata à Sablons ou le mouvement lyonnais Témoignage, dont nous reparlerons, sous l’impulsion de prêtres désireux d’ouvrir les églises à leurs contemporains.

Les illustrations témoignent de cette évolution et de la diversité des formes du Chemin de croix, qui conserve encore aujourd’hui une place de choix dans l’église.