L'église de Saint-Jean-de-Vaulx, une nouvelle église romane en Matheysine...
Depuis 1981, le Département de l’Isère mène des inventaires du patrimoine dans les territoires. Pourtant, l’église de Saint-Jean-de-Vaulx a échappé à ces investigations. C’est seulement en visitant l’intérieur de cette modeste église rurale, à l’occasion des travaux menés sous la maîtrise d’ouvrage de la commune, que se révèle l’ancienneté de la construction, passée inaperçue jusqu’à ce jour…
Saint-Jean-de-Vaulx est une commune de Matheysine, située à une vingtaine de kilomètres au sud de Grenoble. Comme son nom l’indique, la commune occupe un vallon orienté nord-sud, où se trouve également Notre-Dame de Vaulx, à une altitude de 950 à 1000 mètres. Ce vallon est nettement séparé du plateau matheysin et des lacs de Laffrey, par une crête bien marquée et de la vallée du Drac et du Commiers par la montagne de Connexe, culminant à 1632 mètres.
Le village est implanté dans une pente vive, tournée vers l’est. L’église occupe le replat supérieur, en bordure de la rupture de pente : le chœur domine l’abrupt et un ancien chemin d’accès, tandis que la nef est entourée par le cimetière paroissial clos. Placée en limite sud du village, non loin de l’école et de la mairie et légèrement en retrait de la route, l’église Saint-Jean-Baptiste se dresse dans un paysage verdoyant, bien préservé.
L’église est bien orientée ; elle est composée d’une nef droite ouvrant sur un chœur de plan carré. Un clocher porche coiffé d’une flèche en tuf à 4 pans assure l’accès principal en avant de la façade ouest. Le volume initial a été accolé de plusieurs adjonctions : quatre chapelles latérales et une sacristie attenante au chœur rendent moins perceptibles les dispositifs d’origine. Deux toitures à deux pans, l’une couvrant le chœur et la sacristie, l’autre la nef et les chapelles, sont couvertes de petites ardoises rectangulaires. Depuis l’extérieur, rien ne transparaît de l’origine médiévale de l’édifice : toutes les ouvertures sont récentes et les enduits couvrants gris ne rendent pas justice à son ancienneté.
La nef de quatre travées est voûtée en berceau plein cintre reposant sur cinq arcs doubleaux. La poussée des voûtes se trouvait contrebutée côté extérieur par des contreforts dont la plupart sont conservés, plus ou moins intégrés aux constructions adventices. À l’intérieur, les doubleaux massifs, à arêtes vives, retombent sur des piles engagées de même profil. On peut supposer que les modestes dosserets qui devaient à l’origine séparer les doubleaux des piles à la base de la voûte, ont servi à fixer le niveau de l’actuelle corniche filante, en plâtre. Les murs intérieurs sont rythmés par une arcade par travée, également tracée en plein cintre. L’ensemble de ce dispositif, bien identifié par notre collègue Alain de Montjoye comme caractéristique de la construction romane en Matheysine et en Trièves, signale le XIIe siècle[1]. Il est probable que d’étroites fenêtres éclairaient la nef, à raison d’une par travée. Pour rester dans la toute proximité de Saint-Jean-de-Vaulx, citons les églises de Notre-Dame-de-Vaulx, de Saint-Théoffrey (malheureusement à l’état de ruine) ou la chapelle des templiers de Saint-Firmin à Notre-Dame-de-Mésage, en bas de la côte de Laffrey. On retrouve d’imposants contreforts par exemple à l’église Sainte-Marie du Genevrey à Vif ou à celle de Mayres, également dédiée au baptiste.
[1] De Montjoye (A.), Aspects religieux du Moyen Âge. Dans Patrimoine en Isère. Trièves, Grenoble 1996, p. 85 à 99.
On pourrait rapporter à un second temps le chœur de plan carré, voûté en berceau brisé. Légèrement désaxé par rapport à la nef, il est éclairé par une fenêtre d’axe qui présente une large embrasure interne assurant l’entrée de la lumière. Son encadrement extérieur en blocs de tuf, légèrement ébrasé, est couvert par un arc en tiers point, souligné par un cordon qui se retourne au niveau de l’imposte. Une datation dans la première moitié du XIVe siècle semble plausible. La fenêtre sud est insérée postérieurement.
Par la suite, les murs gouttereaux sont percés pour installer des chapelles, dont l’une côté nord, doit remonter à la fin du Moyen Âge : elle présente des caractères gothiques encore affirmés. Celle qui lui fait face pourrait être un peu plus récente. C’est une belle construction couverte par une voûte quadripartite sur croisée d’ogives. Les nervures prismatiques et les arcs formerets retombent en pénétration dans un massif en quart-de-rond appuyé sur un culot sculpté. Deux portent des motifs ornementaux (godrons, fleurons) et les deux autres des visages, l’un d’homme côté nord, l’autre de femme comme le signale la coiffure tressée, côté sud. Une datation vers le milieu du XVIe siècle est proposée. C’est sans doute en raison des percements réalisés pour la création des différentes chapelles que la voûte médiévale de la nef a été fragilisée ; elle paraît tassée et légèrement désaxée. Le clocher-porche, orné d’une flèche à quatre pans en tuf, décorée de lucarnes, pourrait avoir été dressé après 1631 d’après les archives.
L’édifice a connu encore quelques transformations limitées (percements, disparition de la tribune) et se trouve orné d’un décor à base de trompe-l’œil : faux lambris et architecture feinte, motifs de croisillons et de médaillons. Les archives signalent des travaux d’embellissement en 1935, qui pourraient correspondre à ce décor peint.