La fin des fouilles de l'église Saint-Pierre de Moirans

Chantier de fouilles de l'ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel-Département de l'Isère

20 ans après le démarrage des fouilles archéologiques, le chantier dans l’église Saint-Pierre de Moirans a définitivement fermé ses portes ce 31 octobre.

C’est une page qui se tourne pour le responsable de l’opération, Alain Badin de Montjoye, qui avait initié ce programme de recherche en 2002, alors qu’il était archéologue au service du Patrimoine culturel du Département de l'Isère. L'étude des textes et du bâti permettait de penser que cette église renfermait des informations précieuses sur l'histoire des temps anciens et notamment sur la période de la christianisation.

L’église avait déjà fait l’objet de campagnes de fouilles par une équipe de bénévoles accompagnés d'étudiants et de spécialistes en anthropologie. Ces recherches avaient permis une première compréhension de l’histoire de l’édifice grâce à la fouille du bas-côté nord, du chœur et de l’abside, permettant de restituer une église romane voûtée ayant précédé à l’église actuelle, reconstruite avec une charpente et un plan légèrement différent à la suite de l’effondrement des voûtes.

L'objectif était de s'attarder sur la recherche des traces de la première église remontant à l’Antiquité tardive : des sarcophages en pierre trouvés dans le chœur témoignaient, entre autres, de cette première phase pluriséculaire. La découverte inédite d’une boucle en or mérovingienne avait montré le statut important de certaines des personnes enterrées à cette époque. Mais les travaux de reconstruction des phases postérieures avaient escamoté presque tous les indices permettant de reconstituer ce premier bâtiment.

 

Les sarcophages en pierre du choeur de l'ancienne église Saint-Pierre © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Les sarcophages en pierre du choeur de l'ancienne église Saint-Pierre © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Boucle d'oreille en or datant de l'époque mérovingienne © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Boucle d'oreille en or datant de l'époque mérovingienne © Patrimoine culturel - Département de l'Isère

Après un coup d’arrêt en 2017, c’est la volonté de la commune de retrouver l’usage public de cet édifice qui a mené le Département, avec l’appui de la DRAC, à porter un projet d’envergure : deux dernières campagnes de 4 et 5 mois ont été montées en 2022 et 2023 (toujours sous la direction d’Alain de Montjoye), avec  le recrutement d’une équipe de quatre archéologues professionnels formés aux méthodes scientifiques les plus récentes.

Le but était, cette fois, de fouiller la moitié orientale de la nef, toujours à la recherche de la première église. Mais, de la fin du Moyen-Âge jusqu’à l’époque moderne, l’église a servi de cimetière… Il a donc fallu au préalable fouiller des centaines de tombes. Cela a pu être fait grâce à la présence d’archéo-anthropologues, Vanessa Granger et Otilia Stoicka, et d’une spécialiste en archéologie funéraire, Ilona Bede.

Fouilles 2022, Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Fouilles 2022, Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère

En 2023, Fabien Simon, jeune médiéviste, et Anouk Clavier, tout récemment retraitée venu leur prêter main-forte, ont enrichi l’équipe de leurs compétences en archéologie du bâti. Technicienne de fouille multi-casquette, Léa Chautard est la quatrième archéologue à avoir vaillamment œuvré pour l’achèvement de cette dernière campagne. Un habitant de Moirans, Marc-André Guglio, est aussi venu aider au traitement du matériel.

Grâce à cette équipe de choc, les fondations des différentes églises médiévales ont été mises au jour et étudiées, et les niveaux médiévaux épargnés par les multiples creusements de tombes dégagés dans la nef. Faute de temps, ces niveaux n’ont pu être fouillés qu’en partie : ce qui a tout de même permis de révéler la présence inattendue de formes circulaires et de scories témoignant d’un travail métallurgique du cuivre : peut-être la fonte de cloches in situ ? Seule l’étude de ces résidus par des spécialistes pourrait répondre à cette question…

Fouilles, ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Fouilles, ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère

Dans la dernière travée, enfin, un sondage profond a permis d’atteindre le substrat géologique… et de découvrir un mur plus ancien que tous ceux dégagés jusqu’à présent : enfin, des vestiges de la première église ? Contre lui, quelques sarcophages avaient été épargnés par les travaux de reconstructions, semblant confirmer cette hypothèse. Et cette fois, c’est une jolie bague en or ornée d’une pierre (peut-être une intaille antique…) qui a été découverte. De quoi finir en beauté cette aventure au long cours !

Saint-Pierre de Moirans entre maintenant dans une nouvelle phase : celle des restaurations, et celle du projet qui va se construire en partenariat entre l’équipe communale, l’architecte du patrimoine en charge des travaux, et les habitants souvent émus de re-découvrir ces lieux… désormais riches d’une histoire millénaire. Pour remercier le dévouement d’Alain de Montjoye dans l’étude de ce patrimoine, la municipalité de Moirans a décidé de lui remettre la médaille de la Ville.

Toute l’équipe se retrouvera quant à elle au printemps prochain pour une dernière campagne de « post-fouille », l’étude du matériel et des données issus des fouilles de cette année.

L'équipe du chantier de fouilles de l'ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
L'équipe du chantier de fouilles de l'ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Chantier de fouilles de l'ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère
Chantier de fouilles de l'ancienne église Saint-Pierre, Moirans © Patrimoine culturel - Département de l'Isère