Jazz à Vienne : Dee Dee Bridgewater / Monty Alexander

Dee Dee Bridgewater - 22h05

En 1960, le batteur Max Roach et sa compagne Abbey Lincoln créaient l’album We Insist!, comme un cri de ralliement à la lutte pour les Droits Civiques. Aujourd’hui, la chanteuse américaine Dee Dee Bridgewater présente son projet We exist!, un quartet 100% féminin (Carmen Staaf au piano, Rosa Brunello à la basse et Evita Polidoro à la batterie) qui dit « nous existons, nous les femmes, et en particulier dans le jazz », mais qui dit aussi « nous existons, nous, les femmes et les hommes noirs » dans ce pays que Wayne Shorter, comme le rappelle la chanteuse, appelait les « Un-united States » (les États-Désunis). C’est donc un répertoire politique qu’elle a choisi pour ce groupe, qui passe par le blues « Danger Zone » créé par Ray Charles, l’incontournable « Mississippi Goddam » que Nina Simone a écrit pour hurler sa rage après l’explosion d’une bombe dans une église baptiste, « I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free », hymne du mouvement des Droits Civiques écrit par le pianiste Billy Taylor, ou encore le « Throw It Away » de la chanteuse, actrice et activiste Abbey Lincoln.
Avec toute l’assurance que lui donne un talent reconnu dans le monde entier, et avec une légendaire générosité, Dee Dee impose ses convictions dans un grand éclat de rire. Son plaisir est communicatif et son contact avec le public unique. Une soirée avec elle, c’est un vrai show : c’est rire, c’est pleurer, c’est vibrer, c’est vivre !

Monty Alexander - 20h30

Si la vie de Monty Alexander avait été ne serait-ce qu’un peu différente, le jazz aurait pu ne jamais avoir l’un de ses plus grands pianistes. Originaire de Jamaïque, celui qu’on connaît aujourd’hui comme l’une des références absolues de cet héritage fait pourtant ses premiers pas aux côtés des grands artisans de la musique populaire Jamaïcaine (ska, rocksteady…) à commencer par Clement ‘Coxsone’ Dodd-Studio One, Duke Reid-Treasure Isle, et le futur producteur de Bob Marley, Chris Blackwell. Et si sa passion de la musique américaine sera plus forte et ne le quittera plus après avoir assisté aux concerts de Louis Armstrong et Nat King Cole à Kingston, lors de son arrivée au États-Unis en 1961, âgé de 17 ans, il a toujours entretenu un rapport très fort aux musiques afro-caribéennes qui ont fait la singularité de son jeu de piano et de ses compositions, et le bonheur d’employeurs aussi prestigieux que Dizzy Gillespie ou Frank Sinatra, tandis que sa carrière est jalonnée de collaborations avec Sonny Rollins, Miles Davis ou encore Quincy Jones. Dans son immense discographie, on croise les noms des grands du reggae (Ernest Ranglin, Sly & Robbie) comme des maîtres du jazz (Ray Brown, Clark Terry). Le dernier en date, publié en 2024, possède une importance ô combien symbolique : le superbe D-Day est un clin d’œil à ce coup du destin qui l’avait fait naître le 6 juin 1944, ce jour fatidique où les Alliés débarquaient sur les plages de Normandie et changeaient le cours de l’histoire. Digne représentant de la plus pure tradition du swing, Monty Alexander continue d’écrire la sienne.