Les caves coopératives en Isère
Origine et essor du mouvement coopératif en France
Le mouvement coopératif nait en Allemagne et en Angleterre dès le milieu du XIXe siècle. En France, les lois sociales et progressistes permettent la mise en place des syndicats agricoles ; création du Ministère de l’Agriculture en 1881, loi autorisant les syndicats en 1884, loi autorisant le crédit agricole en 1886. Les coopératives agricoles œuvrent dès la fin du XIXe siècle pour le rapprochement entre producteurs et consommateurs.
La cave de Maraussan, construite en Languedoc-Roussillon en 1906 est suivie la même année de la loi fixant l’agrément et le fonctionnement des caves. Suite à une crise économique, les producteurs se regroupent et cherchent à élaborer des stratégies de vinification commune et à pallier les crises (phylloxéra, surproduction, concurrence…) et proposent des plans de coopératives.
La Première Guerre ralentit ce processus. Après celle-ci, la technique de traitement du raisin se perfectionne ; ainsi apparaissent l’égrappoir mécanique, le pressoir continu, le pressage automatisé et les premiers appareils frigorifiques.
L’essor du mouvement
La construction des caves s’organise dès les années 1920 et connaît un véritable essor en France pendant l’Entre-Deux-Guerres (de 82 caves, on passe à 827).
Le contexte isérois
En 1929, 55 000 exploitations agricoles cultivent la vigne en Isère. Elles se situent essentiellement dans la vallée du Grésivaudan où cette culture est attestée depuis le XIVe siècle entre Chapareillan et Saint-Martin-de-Vinoux sur environ 1800 hectares d’excellents sols issus de dépôts argilo-calcaires très bien exposés. La production des communes de Saint-Ismier, Crolles, La Terrasse et Saint-Nazaire fait de ce territoire la région la plus viticole des Alpes.
Quatre caves coopératives sont construites à ce moment-là ; à Péage-de-Roussillon (1930), à Chanas (1931), toutes deux dominant la vallée du Rhône, à Bernin, aujourd’hui la seule dont l’activité subsiste en Grésivaudan, construite en 1932, et à Vif (1933), dans la vallée du Drac, entre Grenoble et Corps. En 1934 ces deux dernières caves sont présentées en modèles. D'autres, au Touvet, à La Terrasse et à Saint-Ismier sont créées en 1937, à Barraux en 1938.
Formes et typologies de construction
Ces nouveaux édifices sont établis à proximité d’une source d’eau, de voies de communication et de chemin de fer, mais également à proximité des vignes afin de permettre un acheminement aisé. Ils sont à l’écart des villages, pour éviter la nuisance sonore et olfactive.
Leur forme est assez standardisée, même si l’on ne peut parler de "plan modèle", car peu de variantes sont possibles, l’édifice étant organisé autour des opérations et appareils de vinification ; la réception, le pesage, l’égrenage, le foulage, le pressage, la macération et maturation par stockage en cuves, puis l’expédition. Un logement est intégré dans la cave ou adossé à l’édifice, qui prend souvent la forme d’un hangar agricole, de forme rectangulaire.
Les caves les plus anciennes sont construites selon des plans en fer à cheval ou de forme circulaire. La seconde génération adopte un plan parallélépipédique avec des cuves en béton pour la plupart rectangulaires.
Les quais de réception du raisin sont situés sur une des faces de l’édifice et les cuves sont aménagées en ligne, disposition empruntée aux chais (vinification artisanale), formant des vaisseaux allongés, superposables et multipliables. Cette organisation permet une bonne ventilation et une circulation entre les cuves. Un espace central est réservé aux différentes opérations de presse et d’embouteillage.
De la réutilisation à la reconversion
La cave du Touvet, située à Saint-Vincent-de-Mercuze, est créée en 1936 et maintient son activité jusque dans les années 1990. Durant les dernières années précédant sa fermeture, elle n’est déjà plus qu'un simple dépôt de vins, la vinification étant transférée à la coopérative de Bernin, toujours en activité.
Réutilisations de ces volumes aujourd’hui
Ces édifices, dont un certain nombre sont désaffectés font parfois l’objet d’une réutilisation. Ainsi, l’ancienne cave coopérative de Péage-de-Roussillon a fait l’objet d’une étude en 2017, qui est suivie d’une opération de réutilisation en cinéma d’art et d’essai en 2018.
Le plus souvent, il s’agit d’un projet de rénovation ou de réutilisation en cave, bar à vin ou restaurant, ce qui est un premier pas vers une meilleure prise en compte de ce patrimoine.
Ancienne cave coopérative de Péage-de-Roussillon © Patrimoine culturel