Des bruits d'usine

Des bruits d'usine
Auteur : Martine Arnaud-Goddet
Parution : 01/2003
Collection : Document audio visuel Viscose
Éditeur : Département de l'Isère
Code produit : 1952
ISBN : xx
Prix : 12
Etablissement : Musée de la Viscose
Thème :
Patrimoine industriel

Femmes, hommes, français, étrangers, tous ont contrinué à l'histoire de la viscose. Ils ont subi pour la plupart l'arrêt définitif de l'usine en 1989, et certains ne peuvent raconter la chute de la grande cheminée sans un trouble dans la voix.

Fin 2002 à la demande du musée de la viscose à Echirolles, je partis à la rencontre de 25 femmes et hommes ayant pour la plupart passé des dizaines d'années à l'usine de la viscose - "à la Viscose" comme ils disent - pour réaliser une série d'entretiens fimés en vue de compléter les archives du musée.
Très vite nous apparut à Elise Turon, conservatrice du musée et à moi-même, l'intérêt de réaliser un film à partir de ces entretiens, tant la parole de tous, sensible et forte, est pleine de sens.
Un film donc, pour exprimer cette mémoire ouvrière à l'heure où en occident continuent de se fermer les unes après les autres les dernières grandes usines.

A moi qui plus jeune avait connu le monde de l'usine à travers le rythme des "3 postes" de mon père ou encore, étudiante, le temps d'un travail d'été plusieurs années de suite, me revint cette question : Comment peut-on supporter de travailler aussi longtemps à l'usine ?
Cette question revenaît avec d'autant d'acuité que les conditions de travail sont particulièrement dures dans les usines textiles.
Il est vrai, presque tous me le dirent : "à la Viscose on était bien payé..." ou encore "c'était la bonne boîte !" Oui mais à quel prix ? A quel prix pour la santé, à quel prix pour la vie de famille et à quel prix pour ceux et celles qui vinrent de si loin pour y travailler ? (en tout 42 nationalités différentes se sont côtoyées à la viscose de 1927 à 1989).
Il est vrai aussi, et la plupart me dirent leur attachement à la fameuse cité-jardin, qu'il y avait la cité de la viscose... Et même si entre nationalités "on ne s'y mélangeaient pas tellement", il y régnait une certaine joie de vivre.

Mais, sans cette cité, combien auraient accepté de rester dans l'humidité constante et au milieu le bruit terrible qui résonnait en permanence 24 heures sur 24 ? Ce bruit qui semble résonner encore dans leurs oreilles lorsqu'ils essaient de me le décrire...
Et si pour la plupart d'entre eux ces anciens viscosiers font montre d'une bonne humeur à l'évocation de cette période, aucun néanmoins n'a oublié les gestes répétitifs du travail, qu'ils refont dans un reflexe tout en racontant. Longtemps après, tous réutilisent spontanément les termes d'un jargon propre à leur métier. Comme ils le disent, la viscose "ça m'a marqué".